Textes écrits par Robert Duran
Réflexions sur la peinture, 1975
Réflexions sur ses différents styles (fin des années 70)
En ce qui concerne mes deux manières de peindre… elles sont bien dans l’air de notre époque, et cela n’est pas nouveau. D’autres avant moi ont compris que nous avons, en chacun de nous, des niveaux de conscience différents, ainsi lorsque tu penses à la matière de l’univers, en constante mutation… les images que tu te représentes ne sont qu’intuitives et mouvantes et différentes, mais belles aussi.
Les scientifiques peuvent aujourd’hui reproduire le Big Bang en petit ? Avec le grand Cyclotron à la frontière franco-suisse, c’est dément, ils peuvent avec cet engin faire sauter la planète…
Or, lorsque tu reviens sur terre à regarder le réel, c’est-à-dire l’humain et notre petite vie souffrante et compliquée… tous nous sommes confrontés à la souffrance et aux difficultés. C’est pourquoi je fractionne les visages pour exprimer dans les Regards (les yeux surtout) le drame du vivant, et ce n’est pas pour trouver ou me singulariser une astuce de peintre pour me faire reconnaître, c’est ainsi que je vois…. quelques 2 dimensions de penser le monde , l’univers, et notre condition humaine. Par ailleurs, cela n’est pas 2 “moi” différents , il n’y a pas de Dr Jekil et Master Ydes ?! Le moi est une chose trop complexe puisqu’il évolue dans l’histoire avec les progrès scientifiques, alors que l’humain reste le même, depuis Platon et même bien avant.
Nous ne sommes plus au temps de Descartes, ou encore plus loin d’Euclide, dans un univers à 2 ou 3 dimensions. Nous sommes parvenus, disent les scientifiques, dans un monde à onze dimensions. Alors tu vois que les petits peintres qui continuent à (oeuvrer) dans le post impressionnisme n’ont pas les moyens d’exprimer autre chose qu’une petite poésie dépassée… L’art, le vrai, n’est pas pour faire du joli, mais pour (illisible).
Lettre au critique d’art René Deroudille, 1983
Cher René Deroudille
Merci de cette page entière dans cette “merveilleuse revue” (heureux celui qui peut encore avoir une chaise pour s’asseoir, même si elle est crevée). C’est d’accord, je verrais d’un bon oeil les travailleurs Cx Roussiens s’élencer au labeur dans la joie et la sérénité - les yeux au plafond - ou au ciel, CGT béats d’admiration et de confiance, se jeter sous la rame du métro en invoquant St Jospine, Ste Juquine et Krasukine - catholiques et communistes confondus - (je pense à ce grand Gaudi méconnu de son vivant, mais qui avait trouvé son mécène - écraser par un tramway) j’aimerais le venger.
A travers mon oeuvre que je veux protéiforme pour ne pas me laisser piéger par le style ou le genre, comme la plupart des connards qui veillent bien à ce que leur signature soit pareille et conforme à la précédente, malheur si on ne les reconnaissait pas, et numérotent leurs petites merdes les unes après les autres, avec photo à l’appui - et “presse Bouc” de mon cul dans les valoches scellées par huissier. C’est avec tout ça qu’on fabrique des marchands qui s’engraissent et des experts qui regardent à la loupe si la signature est bonne et distribuent des certificats (10%) monté yé yé, sans quoi ton tableau n’aura aucun intérêt, ou trouvent que la touche qu’ils connaissent bien n’est pas de sa main mais consentent à écrire “attribué à” - ça vaut tant - en ce moment - mais en salle des ventes ça peut valoir plus, ou moins.
J’aurais bien aimé avant de crever avoir assez de couleur et de toile pour me mesurer avec Goya et Delacroix - et même Bernard Buffet mais je n’en aurai pas le temps, et je n’ai pas trouvé le mécène pour le faire, mais je sais que j’en étais…
… capable, le jeu en valait la chandelle, mais comme les princes ici bas ont disparu, l’art est parti avec eux. Notre petite société rabougrie glisse vers le gouffres (les jeunes abandonnent sans regrets leurs petits qu’ils ont mis au monde pour suivre un nouveau cul) ils ne deviennent jamais adultes - ils spéculent ! J’ai plus envie d’entendre personne, à part toi, et quelques 3 amis qui sont au-dessus de ces basses oeuvres, avant que nous soyons tous précipités dans un cul de basse fosse.
En ce moment je peins des femmes de music hall avec des gros nichons - mais je ne les montrerai à personne - une cinquantaine de toiles (la plus importante partie de mon travail pour moi) que je vais enfermer dans le grenier de ma maison natale à Charlieu, où personne ne les verra jamais - elles seront bouffées par les rats et les araignées. J’espère qu’on sera tous foudroyés par la bombe atomique bientôt, ça se précise, par la vérole ou la spasmophilie, et ça n’aura aucune importance - pourtant les musées devraient être plus protégés - car l’art des musées est une chose dure faite par des êtres mous - je ne parle pas de la littérature qui est de la foutaise, c’est beaucoup trop long à lire, 50 ans après ça ne veut plus rien dire et puis un livre, c’est trop mou.
Je te salue René, en regrettant de ne pas être né à Pékin au grand siècle de la peinture chinoise.
Robert Duran
Réflexions diverses (non datées)
Ce n’est pas ce que tu décides de dire -
ou de raconter qui compte -
C’est ce que la peinture que tu fais - va dire d’elle-même - sans que tu n’aies rien décidé.
La machine moderne est la plus belle matérialisation de l’esprit -
Le curieux installe l’art dans le temps - comme la construction d’un temple - tous les corps de métiers sont représentés.
Même les oeuvres sont mortelles -
L’art est un jeu - il multiplie notre ferveur à vivre et nous fait oublier la mort.
Il faut que tes tableaux te dépassent - et que tu puisses dire : comment, c’est ce petit bonhomme qui a fait ça.
Ainsi parlaient Picasso, Bacon, Buffet, Goya, etc, Mathieu - se déprendre du “soi”
La peinture est de la pensée qui s’incarne. R
Le Moi, s’éteint avec l’âge ! Comme c’est étrange de s’en rendre compte ? RD
La peinture c’est un secret -
Il y faut la poésie, et la facilité.
Il y faut aussi la “Présence” - “peinte”
L’art n’est pas fait pour être beau, ou joli !
Mais pour celui qui regarde, se pose des questions - sur le sens de sa vie, de la vie - en se disant qu’il ne sait rien !
Il est inutile de se présenter devant la peinture (je parle bien sûr de l’art majeur - pas de celui qui agrémente les maisons) avec un a priori - ou en disant j’y connais quelque chose.
Articles de presse, de critiques d’art et d’autres.
La Vie Lyonnaise, article de Jean-Noël Vuarnet, 1968
Textes de JJ Lerrant et JJ Lévêque sur l’exposition Zunini, 1970
Article de 1981 sur l’exposition Figures en Façade.
Texte de René Deroudille, 1982
Article de René Deroudille sur le métro Croix Rousse
Textes de Jean-Jacques Lerrant, 1993
Textes de François Montmaneix, 1994
Texte d’Heliane Bernard, 1991
Article de Béatrice Bonnamour
Texte de José Téodori, 1994
Article de Stani Chaine, 1994
Article de Marie Gouttard, 1988
Texte de Xavier Duraffourg
Texte de Stéphane Doncque, 2008
Discours de François Montmaneix pour l’exposition de Cluny (2004)